LA GÉNOMIQUE POURSUIT SON ENVOL
La sélection génomique continue de progresser, gagnant toujours en fiabilité. La prochaine sortie d'index marquera une nouvelle étape. Mais en élevage, l'utilisation de ces taureaux nécessite quelques précautions.
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LES PREMIERS TAUREAUX INDEXÉS GRÂCE À LA GÉNOMIQUE sont sortis il y a moins d'un an. Depuis, les entreprises de sélection élargissent sans cesse leur gamme. Et le nombre de caractères indexés continue lui aussi sa progression. On n'en comptait que quinze au début, avec des manques dommageables sur la morphologie. Il y en a vingt-cinq depuis octobre. En juin, on disposera des mêmes informations que pour les taureaux testés sur la descendance.
Néanmoins, même si la fiabilité s'améliore, elle reste inférieure à celle des index polygéniques (obtenus par testage sur la descendance). Ce qui implique quelques précautions dans l'utilisation. L'ascendance reste importante dans le calcul. Mais l'élargissement de la base de référence contribue aussi à enrichir les données et à affiner les évaluations. En race holstein, la mise en commun des informations de plusieurs pays (France, Allemagne, Pays- Bas et Danemark) permet de monter progressivement à 16 000 taureaux, un gage de renforcement de la fiabilité. On estime à 10 % l'amélioration de la précision obtenue par cette voie. En moyenne, les CD tournent entre 0,5 et 0,6 pour la plupart des postes. Les informations obtenues avec un CD inférieur à 0,5 ne sont pas publiées. Les risques de variation d'index restent donc relativement importants.
L'autre limite souvent invoquée pour la génomique concerne la variabilité génétique. En parcourant la liste des taureaux holsteins aux index publiés, on remarque immédiatement la prédominance des fils de Bolton, Baxter ou Shottle. Et c'est pire quand on s'attarde sur les grands-pères : O-Man est partout. En janvier, neuf des seize meilleurs taureaux génomiques sont issus de Bolton sur O-Man.
CHAQUE ENTREPRISE DE SÉLECTION A SA STRATÉGIE
Les éleveurs disposent d'une offre de taureaux génomiques très variable selon les zones où ils se trouvent. Car les stratégies des entreprises de sélection se différencient nette- ment. Gènes Diffusion y croit beaucoup et a produit 144 des 239 taureaux holsteins dont les index génomiques sont publiés. À l'inverse, Créavia n'a souhaité publier les index que de vingt taureaux génomiques. Mais les entreprises proposent aussi de poser des doses de taureaux dont les index ne sont pas publiés.
Rappelons que l'intérêt majeur de cette technologie réside dans l'accélération du progrès génétique, notamment du fait que les taureaux sont génotypés à la naissance et utilisables dès qu'ils parviennent à maturité. Les éleveurs ont donc intérêt à s'en servir. L'Inra a mené une étude visant à savoir comment utiliser ces taureaux dans un objectif de maximisation du progrès génétique et de préservation de la variabilité. Car le risque de réduire encore le nombre des origines est réel. L'étude est basée sur des simulations de différents modes d'utilisation des taureaux génomiques. La pression de sélection de ces mâles et leur diffusion en élevage varient. La simulation teste aussi différents taux d'utilisation de taureaux confirmés sur descendance. Les conclusions portent sur l'évolution du progrès génétique et du taux de consanguinité. Dans tous les cas, on aboutit à un gain conséquent en progrès génétique, notamment sur les caractères fonctionnels. Le point le plus sensible concerne la gestion de la parenté et de la consanguinité.
L'étude conclut sur des conseils pratiques. Certes, les éleveurs ont intérêt à utiliser les taureaux génomiques pour maximiser le progrès génétique. Mais ils doivent se montrer très vigilants à préserver leur diversité. Chaque taureau ne doit être utilisé que modérément. Il faut éviter d'en choisir un ou deux pour une utilisation massive.
Les entreprises de sélection semblent l'avoir bien compris. Elles visent une utilisation limitée de chaque taureau, tout en cherchant à obtenir suffisamment de filles pour que chacun dispose à terme d'un index polygénique. Cette nécessité est renforcée par le fait que les index peuvent beaucoup varier dans le temps. Ces risques de variation d'index sont plus limités quand on raisonne à l'échelle d'un groupe de mâles et non d'un individu. Car le niveau moyen est plus stable que les index individuels. Autrement dit, pour un élevage, mieux vaut varier les taureaux génomiques utilisés et limiter la diffusion de chacun.
BIENTÔT ACCESSIBLE POUR LES PETITES RACES
À terme, l'offre des entreprises de sélection devrait se diversifier et coller davantage au potentiel de la génomique. Les taureaux proposés aujourd'hui sont encore issus de pères produits dans l'ancien schéma. Les taureaux génomiques issus de jeunes mâles non encore confirmés sur descendance, sont ceux qui permettront le meilleur progrès génétique. Les premiers commencent à naître en 2010. On sortira donc de cette phase intermédiaire d'ici un peu plus d'un an. Mais le CD de ces taureaux se limitera à 0,6-0,65, d'où un risque de fluctuation encore assez élevé. Par ailleurs, la stratégie d'utilisation des taureaux génomiques évoluera aussi au fil des avancées scientifiques. Et elles sont nombreuses. Dès juin 2010, une nouvelle puce Illumina sera utilisée pour génotyper les animaux. Dénommée HD, elle sera nettement plus puissante (600 000 K, contre 50 000 K). Il sera possible alors d'établir des liens entre différentes populations. Autrement dit, la sélection génomique s'ouvrira aux races qui en sont privées aujourd'hui, faute d'un effectif suffisant. Elles pourront bénéficier des acquis obtenus grâce aux bases de données hosltein, montbéliarde et normande. Les petites races laitières comme les races allaitantes en bénéficieront. Les premières applications en élevage sont attendues en 2012. D'autres avancées moins visibles permettent de réels progrès dans la fiabilité des calculs d'index. Elles concernent la méthodologie. Aujourd'hui, chaque pays a la sienne. « L'objectif est d'abord de référencer chaque méthode. On pourra ensuite les combiner pour bénéficier des avantages de chacune », précise Sébastien Fritz, ingénieur au service génétique de l'Unceia.
LA GAMME DES INDEX VA S'ÉLARGIR
De plus, un nouvel enrichissement de la gamme des caractères indexés est attendu pour octobre 2010. La résistance aux mammites et la fertilité vont être mieux évaluées, aussi bien via les index génomiques que les index polygéniques.
Et la recherche poursuit ses travaux pour indexer des caractères vraiment nouveaux, impossibles à évaluer en sélection classique. Le programme le plus avancé est Phénofinlait (composition fine du lait).
« Pour commencer, nous devons phénotyper une population de référence », précise Sébastien Fritz. Il faut en effet établir des équations pour relier les caractères observés (phénotype), et les gènes présents (génotype). Là aussi, on attend des applications pratiques en 2012. Mais déjà, Créavia et Amélis proposent des taureaux sans cornes, obtenus grâce à la génomique. Une autre avancée majeure concernera les éleveurs dès janvier 2011 : chacun pourra génotyper les femelles de son troupeau. Difficile d'annoncer un prix pour l'instant. Il sera très dépendant du nombre de demandes, que l'Unceia est en train d'évaluer. En fonction de ce prix, les éleveurs auront intérêt à génotyper plus ou moins de femelles. Selon Sébastien Fritz, le génotypage d'une génération complète de génisses permettra à chacun de sélectionner davantage par la voie femelle et sur ses critères personnels. Les femelles correspondant le mieux aux souhaits de l'éleveur seront mises à la reproduction en priorité.
On ne sait pas encore comment s'organisera cette nouvelle possibilité ouverte aux éleveurs. Car plusieurs structures pourront proposer ce service. On pense aux entreprises de sélection, bien sûr. Mais le contrôle laitier ou les associations d'éleveurs pourront aussi y trouver des avantages.
PASCALE LE CANN
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